Isabelle Taillandier
Soupirs
Soupirs est un recueil de treize textes qui mettent
le doigt sur le moment décisif où un être arrive au point de parfaite compréhension et d’acceptation
de son destin, puis présentent l’ouverture éventuelle qui en découle. Une première partie évoque des personnages mythiques et des personnes réelles.
Une seconde partie propose une réflexion sur différents états amoureux.
L’ensemble de ces textes relèvent le défi de textes courts, cette brièveté permettant une approche poétique de la prose.
Préface : Pierre Brunel
Illustrations : Anne Buguet
Date de parution : 18 mai 2017
ISBN : 978-2-9558910-1-8
148 pages, broché, format 11x18
Prix : 12,50 €
Quatrième de couverture
Isabelle Taillandier nous fait passer d’une terre à l’autre, du Palais d’al-Rusafa, à Cordoue, au palais royal d’Izréel et au palais royal de Mycènes. Elle nous fait passer aussi d’un temps à l’autre, d’un jadis, pour en venir à ce qui est encore hélas un naguère (la Seconde Guerre mondiale, 1944 et les camps de prisonniers). Y a-t-il dans tout cela place pour l’espoir ? Le titre de la cinquième nouvelle, De bien en mieux, invite à le croire. Si mouvementée que soit l’équipée d’Aliénor d’Aquitaine quittant Blois comme une voleuse dans la nuit du 18 au 19 mars 1159, elle la conduit jusqu’au seuil du Poitou, jusqu’à Poitiers même et jusqu’au Clain qui, à beaucoup d’égards, a été le miroir de ma jeunesse et qui, encore aujourd’hui, m’apporte, comme à elle, un précieux apaisement. (Pierre Brunel, de l’Institut)
A propos de l'auteur ...
Diplômée en littératures hispaniques et docteur en littérature comparée, Isabelle Taillandier (née en 1961) est enseignante
et traductrice. En 2012, elle commence un blog culturel
(Mille feuilles) et publie son premier roman, Parfois l’air nous manque (TBE). Elle a aussi collaboré à divers manuels pour l’enseignement du Français Langue Etrangère.
Les éditions de la Reine Blanche ont publié en 2017 son premier recueil de nouvelles, Soupirs, préfacé par Pierre Brunel et illustré par Anne Buguet.
http://isabelle-taillandier.blogspot.fr/
https://www.thebookedition.com/fr/parfois-l-air-nous-manque-p-76194.html
©Jenny Huang Cuvereaux
Extrait 1
Je me souviens des rives de l’Euphrate. Mon frère n’a que treize ans. Je me demande s’il aura la force de traverser le fleuve à la nage. Mais nous n’avons pas le choix : au loin, la poussière soulevée par nos poursuivants brouille l’horizon. Nous nous jetons à l’eau et j’encourage mon frère. Je nage plus vite. J’ai parcouru la moitié du chemin quand je me retourne. Je vois Yahya loin derrière moi. Il a du mal à maintenir le rythme, à trouver son souffle. Je sens qu’il a peur. Les cavaliers abbassides nous regardent depuis la rive, furieux de voir leurs proies s’échapper. Ils nous exhortent à revenir, nous disent qu’ils ont épargné nos deux sœurs et mon fils, qu’ils ne nous feront aucun mal. Mon jeune frère s’arrête, les regarde. Je lui crie de ne pas les croire, de continuer à nager, de l’autre côté nous serons… Je le vois faire demi-tour. Il est épuisé. Pense-t-il que la mort qui l’attend sera moins douloureuse que l’asphyxie? Je lui crie encore : « Reviens! Suis-moi ! Je t’aiderai! » Je crois qu’il ne veut plus m’entendre. A peine est-il sorti de l’eau que les soldats l’empoignent, le forcent à s’agenouiller. Je vois l’éclat du sabre qui se lève. Je hurle, manquant me noyer. Au dernier moment, mon frère tourne la tête vers moi. De loin, nous nous disons adieu. Je ne peux voir son visage mais j’imagine l’effroi dans ses yeux. Quand sa tête tombe, ils jettent son corps dans le fleuve. Je plonge. Il me semble baigner dans mes larmes et le sang de mon frère. Ils ont déjà exterminé la quasi-totalité de ma famille à Abu Futrus, par traîtrise, dans un bain de sang. Leur soif de pouvoir exige l’extermination de ma personne. Je suis l’héritier du calife omeyyade. Quand j’émerge de l’eau, ils s’éloignent, emportant la tête de mon frère pour la présenter au nouveau calife. Je les maudis et crie : « Jamais vous ne m’attraperez. Jamais, jamais…! » Arrivé sur l’autre rive, ce « jamais » est devenu une obsession. Je crois devenir fou, de douleur, de haine, de solitude. Le jeune homme à l’éducation raffinée est devenu une bête aux abois. J’ai dix-neuf ans et ne possède plus rien, hormis mon nom et une furieuse envie de survivre. (Conversation avec le grenadier, pp. 18-19)
Extrait 2
- 52 points
Attablée dans un café du boulevard Beaumarchais, elle referme son ordinateur d’un geste mécontent. Elle vient de perdre une partie de cartes. Elle lève la tête, regarde la rue. Les feuilles des arbres se balancent gracieusement, au gré du vent d’automne. L’air est humide. Elle apprécie la douce chaleur du café. Installée confortablement dans le fauteuil, elle se redresse soudain, le visage tendu vers l’avant, les yeux écarquillés. IL vient de passer devant la vitre. Impossible ! IL vit à plus de mille kilomètres, au milieu des montagnes et des lacs, et ne peut donc être à Paris, encore moins sur ce boulevard. Tout indique le mirage. Panique ! Sans réfléchir, sans même envisager l’hypothèse qu’elle s’est peut-être trompée, qu’elle a cru le reconnaître, elle prend ses affaires, laisse un billet sur la table, sort. Dehors, elle scrute le boulevard, cherche la parka verte qu’elle a entraperçue. Que risque-t-elle ? Que ce ne soit pas lui ? Et alors ? Cela prouve qu’elle n’est pas guérie. Pas encore. A ce moment-là, par esprit de contradiction, elle considère cette non guérison comme un atout. Elle a repéré la parka verte qui descend vers la Bastille. (Solitaire, p. 127)
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