Et moi, il me semble que l’inventeur du premier miroir dut devenir fou d’épouvante en présence de son œuvre ! Donc, pour vous, femme intelligente, il n’y a dans un miroir que des choses simples ? Dans cette atmosphère d’inconnu, vous n’avez pas vu se lever soudainement l’armée des fantômes ? Sur le seuil de ces portes du rêve, vous n’avez pas démêlé le sortilège de l’infini qui vous guettait ? Mais c’est tellement effrayant, un miroir, que je suis ahuri, chaque matin, de vous savoir vivantes, vous, les femmes et les jeunes filles qui vous mirez sans cesse ! Mère, écoutez-moi, c’est toute une histoire, et il faut remonter loin pour découvrir la cause de ma haine contre les glaces, car je suis un prédestiné, j’ai été averti dès mon enfance. (L’araignée de cristal)
ELLE. Ce sont des choses que nous ne comprendrons jamais, puisque nous ne pouvons pas interroger nos parents.
LUI. Est-ce bien utile de comprendre ?
ELLE. Tu es bête ! Toi, un homme, tu devrais savoir.
LUI. Je ne suis encore qu’un… garçon.
ELLE. Tiens, je ne peux pas souffrir l’air que tu as ! Elle fait un geste d’impatience.
LUI, subitement en colère. Et moi, j’ai horreur de ta manière de parler !
Silence.
ELLE, rêvant. Non ! Ce n’est pas naturel tout ce qui nous arrive. Dernièrement, en lisant dans mon livre de messe : « Et Jésus, penchant la tête, rendit l’âme », j’ai frissonné de tout mon corps. Pourquoi ai-je tremblé ainsi ? Je n’en sais rien, mais cela me faisait presque plaisir d’avoir mal et de plaindre le Bon Dieu. Elle se tourne vers l’amoureux. Veux-tu que je te dise tout ce qui me fait de la peine, depuis que nous nous connaissons ? Toi, tu me diras ce qui t’amuse ? Ce sera notre jeu d’aujourd’hui.
LUI, boudeur. Je veux bien.
(Volupté)