Isabelle Taillandier
Les couleurs et les sons
Composé de 11 nouvelles, ce recueil est placé sous l’égide de Baudelaire. Ces nouvelles, toutes inspirées par des œuvres plastiques et musicales, mettent en valeur les « correspondances » que nous faisons avec les œuvres d’art qui nous marquent. Entrent ainsi en scène une écrivaine hantée par une histoire qu’on lui a racontée, une jeune femme qui rêve de devenir professeur de latin, Velázquez et son ambition dévorante, une grand-mère espagnole racontant son exil en France à sa petite-fille, une photographe allemande déambulant dans Hambourg dévastée par l’Opération Gomorrhe, un couple d’amoureux visitant Grenade ; et bien d’autres encore.
Auteur : Isabelle Taillandier (France)
Titre : Les couleurs et les sons
Préface : Claude De Grève
Illustrations : Nathalie Bibas
Date de parution : 10 août 2021
ISBN : 978-2-491528-14-0
164 pages, broché, format 11x18
Prix : 14,00 €
Quatrième de couverture
Comme dans son précédent recueil, l’auteur nous fait voyager dans le temps et dans l’espace et nous emmène entre autres en Espagne et en Allemagne. Ce recueil se révèle toutefois plus intimiste tout en rejoignant l’universel avec l’exploration de souffrances comme celles liées au deuil et à la séparation amoureuse, mais aussi avec l’évocation de joies, d’espoirs, de tout ce qui peut redonner vie. L’amour, décliné sur plusieurs modes, du plus exclusif au plus fugace, joue également un rôle moteur. Tout en respectant les critères de brièveté et de concentration qui définissent le genre de la nouvelle, l’auteure propose un travail sur les formes narratives : l’élégie, la mise en abyme, l’ekphrasis et la prose poétique, par exemple. L’unité du recueil – et son originalité – est assurée par un jeu de variations sur la peinture, la photographie et la musique.
A propos de l'auteur ...
Isabelle Taillandier (née en 1961) a fait des études de Lettres et de Littératures hispaniques. Elle a vécu pendant douze ans en Espagne, en Allemagne et en Suisse alémanique où elle a enseigné le FLE. Beaucoup de ses textes évoquent d’ailleurs les pays dans lesquels elle a vécu. Rentrée en France, elle a soutenu une thèse de doctorat en littérature comparée. Elle enseigne actuellement le FLE dans un établissement privé d’enseignement supérieur et a collaboré à des manuels pédagogiques. Elle est également traductrice de l’espagnol et de l’allemand.
http://isabelle-taillandier.blogspot.fr/
https://www.thebookedition.com/fr/parfois-l-air-nous-manque-p-76194.html
©Jenny Huang Cuvereaux
Extrait 1
Cela fait deux semaines que, la nuit, Agathe se réveille en sueur. Elle fait des rêves aux multiples versions comme les provoquent les souvenirs angoissants, les situations qui marquent par leur étrangeté ou leur férocité. Dans ces rêves, elle vit et revit une histoire qu’on lui a récemment racontée. A chaque fois, elle assiste au drame sans pouvoir en changer le cours. Quand elle se réveille, tremblante, elle a au cœur la sensation d’avoir survécu à un grave danger.
Alors, elle se lève, va dans la cuisine, prépare un lait chaud, se remet au lit, prend un livre. L’angoisse diminue peu à peu, ses yeux se ferment et le livre tombe sur sa poitrine ; elle éteint la lumière et se rendort.
Mais parfois l’angoisse reste et, malgré la fatigue, Agathe tourne et se retourne dans les draps, ressassant l’histoire, élaborant un tas d’hypothèses tout en sachant combien il est vain d’inventer le passé, surtout un passé qui ne lui appartient pas. Finalement, son esprit épuisé finit par s’endormir sans qu’elle s’en rende compte. Quand elle se réveille, il est tard. Agathe n’aime pas cela, elle a l’impression qu’on lui a volé sa journée.
Cette nuit encore, elle a rêvé de cette histoire. Cette fois, elle décide d’en finir une bonne fois pour toutes. Agathe prépare du café, beaucoup de café, allume une cigarette et s’installe devant son ordinateur. (Le cri déchirant de la réalité)
Extrait 2
Flore revient du collège où elle est affectée, dans la banlieue ouest de Paris. Une fois dans le RER, elle ne peut s’empêcher d’ouvrir son cartable et de prendre le manuel de latin que lui a gentiment prêté la documentaliste. Nous sommes début juillet, elle a deux mois pour préparer ses cours. Ses premiers cours.
Flore a vingt-trois ans et veut être professeur depuis son enfance, professeur de Lettres pour pouvoir enseigner le latin, matière dont elle est tombée amoureuse avant même de la connaître parce que sur la couverture de son premier manuel, il y avait la fresque de Stabies représentant la déesse du printemps. Elle avait douze ans.
Ce jour-là, elle a eu le sentiment de s’anticiper, de s’imaginer adulte avant même de l’être. Se voyant si légère, flottant dans le temps, au milieu de ces couleurs douces et chaudes, des mèches de cheveux blond vénitien s’échappant malicieusement du chignon fait à la va-vite, elle s’est aimée. Même si l’avenir restait une énigme car la jeune femme lui montrait le dos, Flore a eu confiance, une confiance qui – à cet instant elle l’ignorait pourtant – serait le fondement de son caractère. Ce portrait sur son livre de latin était un miroir prometteur. La violence de l’émotion fut telle que Flore éclata en sanglots, seule dans sa chambre de petite fille. Elle ne savait pas encore que cette femme dans laquelle elle s’était reconnue s’appelait Flora. (Aucun talent pour le désespoir)
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