HERMAN BANG
EXISTENCES SILENCIEUSES
C’est uniquement la pensée transformée en action que l’auteur impressionniste se croit en mesure de suivre intellectuellement. Ainsi, toute son attention se portera sur l’agir, sur cet agir continuel. Et les êtres humains en action deviennent l’objet de sa peinture. La visée de sa représentation est donc de rendre vivants ces êtres humains qui agissent. À grand-peine et par cent voies, il cherche à produire l’illusion la plus exacte possible de la vie en mouvement. (…) Comme toute forme d’art, celui du récit impressionniste s’efforce de rendre compte des sentiments humains et de la vie de la pensée des hommes. Mais il évite tout exposé direct et ne nous montre les sentiments des hommes qu’à travers une suite de miroirs : leurs actes. (Herman Bang)
Auteur : Herman Bang (Danemark)
Titre : Existences silencieuses (Stille eksistenser)
Traducteurs : Jacques Privat & Christian Bank Pedersen
Préface : Christian Bank Pedersen
Illustrations : Anne Buguet
Date de parution : mars 2019
ISBN : 978-2-9558910-49
200 pages, broché, format 11x18
Prix : 21,50 €
Quatrième de couverture
Herman Bang écrit en chemin. En se déplaçant d’un milieu urbain moderne à l’autre,
il crée souvent des personnages provinciaux apparemment immobiles, ces êtres qu’il dénomme existences silencieuses et qui, derrière leur apparent attentisme, voire leur paralysie existentielle fortement trompeuse, sont porteurs d’un profond tumulte émotionnel qu’ils ne parviennent pas à exprimer, mais dont les traces sont détectables dans leurs actes, parfois manqués, et dans ce qu’ils sont incapables, justement, de dire. L’auteur voyageur se penche également sur les êtres excentriques des grandes villes
de la modernité européenne, les victimes de ce que Rousseau appelait « le tourbillon social » : dupes de l’apparence, ces auteurs, acteurs (ou serveur dans le cas de Franz Pander) sont les « enfants d’un point mort ». Ce « point mort » se trouve chez Herman Bang à l’exacte intersection de la tradition religieuse, culturelle et politique d’autrefois, qui n’offre plus de repères, mais qui ne lâche pas prise non plus, et de l’ordre vide des temps modernes, déterminé par les sciences naturelles et le mécanisme froid de la « sélection » darwinienne. (Christian Bank Pedersen)
A propos de l'auteur ...
L’écrivain et journaliste Herman Bang (1857-1912) est une figure incontournable de la littérature danoise. Eprouvant des difficultés à s’intégrer dans la société de son époque, en partie à cause de son homosexualité, il fait de fréquents séjours à l’étranger. Son style impressionniste (mot avec lequel Claude Monet l’a caractérisé), présent dans ses romans comme dans ses nombreuses nouvelles, participe incontestablement de son originalité. Existences silencieuses rassemble un panel représentatif de dix de ses récits courts, publiés entre 1880 et 1899. Fin observateur des frustrations et espoirs manqués, il fait sans cesse osciller ses personnages entre comique, tragique et pathétique. Ses portraits féminins notamment sont peints avec une grande sensibilité : Irène Holm (la danseuse ratée), Pernille (l’adolescente amoureuse), les prostituées de Parias.
Extrait 1
Le voilà !
Les cous se tendent. Les yeux s’arment de jumelles. Le fiancé traverse l’église avec son témoin, au milieu de haies de têtes curieuses et de corps serrés. Il est grand, brun, peut-être un peu trop mince ; sa chemise blanche est lisse, sans un pli, son chapeau bas est doublé de bleu. En l’observant avec attention, on pourrait croire que ses paupières sont maquillées, mais ce ne sont peut-être que des cernes bleutés. Tandis qu’il monte vers le chœur, le murmure se propageant d’invité en invité le poursuit : c’est tout son passé qui chuchote autour de lui.
« Quel âge a-t-il ?
-Trente ans. Il était beau autrefois, mais aujourd’hui, il n’en reste plus grand-chose.
-Non, c’est certain : il est complètement chauve.
-Oui, rien d’étonnant à cela.
-Où peut-elle bien être maintenant ?
-Qui ?
-Emilie, je la connaissais bien. Toute maigre, elle faisait de la couture chez la conseillère.
-Et lui, comment était-il ?
-Puis elle est arrivée à l’établissement.
-Vous vous souvenez sûrement d’elle. (Devant l’autel, pp. 27-28)
Extrait 2
Peu après son mariage, il avait publié un grand recueil, une série de poèmes datant principalement de la période où il se rapprochait de Martha. Depuis, il avait très peu écrit, lisait un peu, publiait quelques articles critiques pour un hebdomadaire, autrement rien. Martha en parlait rarement, et si elle le faisait, il se plaignait toujours du manque de sujet. Il ne voyait rien.
Ces quatre mots, je ne vois rien, devinrent le cauchemar de sa vie. Elle était comme paralysée par une peur qui la rongeait : au fur et à mesure que l’homme en lui prenait de l’ampleur, le poète allait-il donc disparaître ? Il ne pouvait quand même pas se contenter de vivre ? (La femme du poète, p. 69)
catalogue | la maison d'édition | contact
©2022 - les editions de la reine blanche - SIRET : 821 958 667 00015 - création : vb-cg.fr