MAHIR ÜNSAL ERIŞ
L’ETE JAUNE
Les huit récits de ce recueil se déroulent dans différents quartiers d’une même ville, au même moment, autour du même phénomène naturel, à savoir une tempête de sable jaune, suivie peu après d’un tremblement de terre. Ces textes évoquent huit mondes différents, huit moments marquants de la vie de gens ordinaires, très représentatifs de leur culture mais que l’auteur réussit à rendre universels. Ces histoires tournent autour des âges de la vie, du couple, des relations parents-enfants. Elles se recoupent, se détachent, s’entremêlent… le tout dans une langue à la fois sobre et très imagée, pleine d’humour et de tendresse.
Titre original : Sarıyaz (Turquie)
Traductrice : Noémi Cingöz
Préface : Burhan Sönmez
Illustrations : Murat Başol
Date de parution : 15 avril 2022
ISBN : 978-2-491528-23-2
200 pages, broché, format 11x18
Prix : 19,50 €
Quatrième de couverture
Mahir Ünsal Eriş, avec sa voix très personnelle, utilise les caractéristiques des récits descriptifs dans des récits factuels, et aborde ici la nouvelle presque avec les caractéristiques du roman. En évoquant des événements qui se sont déroulés alors qu’un nuage de poussière surmontait la ville, phénomène suivi par un tremblement de terre six jours plus tard, L’été jaune nous présente une petite Turquie dans la ville, un petit monde en Turquie, et l'esprit d’une petite personne qui se cherche dans ce monde. Cela génère systématiquement en nous une attente : nous espérons que l'auteur créera une nouvelle vie après chaque nouvelle, entre la poussière jaune et le tremblement de terre, qu'il donnera une nouvelle opportunité aux personnes qu'il nous a fait connaître. Il n'y a pas de fin dans ce livre, chaque histoire que nous pensons terminée apparaît sous différentes formes dans les histoires suivantes. Mahir Ünsal Eriş, tout en tissant des histoires point par point, nous expose la psychologie aux couleurs vives d’êtres qui bougent, se dispersent et se brisent au gré des événements. (Burhan Sönmez)
A propos de l'auteur ...
Mahir Ünsal Eriş (né en 1980) est un écrivain turc.
Il est aussi traducteur de l’anglais et de l’hébreu. Il a publié en Turquie trois romans et cinq recueils de nouvelles. Il a reçu différentes récompenses, dont le prestigieux prix Sait Faik.
Il vit actuellement au Royaume-Uni. L'été jaune est son premier ouvrage traduit en français.
©Emre Yunusoglu
Extrait 1
Je fis le rêve suivant : c’est l’enterrement de ma défunte grand-mère maternelle. Il a lieu en plein milieu d’un champ de tournesols où se trouve une pierre tombale. Tous les tournesols regardent en direction du cercueil posé sur cette pierre, et ma défunte grand-mère, assise dans le cercueil ouvert, est en train de tricoter. En me voyant, elle dit : « Ah Yahya, c’est toi mon garçon ? » Je m’apprête à dire « Comment ça ? Tu n’es pas morte, grand-mère ? Ce n’est pas ton enterrement ? Te voilà assise bien en vie dans le cercueil, comment est-ce possible ? » Puis je me tais, craignant, si je lui rappelle qu’elle est morte, qu’elle puisse subitement mourir pour de bon. Tout à coup, deux hommes me prennent par le bras et me disent : « Viens, c’est toi qui va célébrer l’enterrement. » Puis ils m’amènent dans la salle des ablutions où je vois mon reflet dans un miroir. Mais ce n’est pas mon visage. C’est celui de ma grand-mère et il est jaune. Pas jaune comme serait un mort. Plutôt jaune comme si la peau était couverte de safran. Je me retrouve ensuite à nouveau face au tombeau. Ma grand-mère ne cesse de tricoter. Quel que soit ce pan en laine jaune qu’elle tient entre les mains, une couverture, un kilim ou bien un couvre-lit, elle a tant œuvré qu’elle semble avoir tricoté tout le champ avec pour mailles les pétales jaunes des tournesols. Cet immense champ, qui nous entoure, est sorti des aiguilles à tricoter de ma grand-mère. (Monsieur)
Extrait 2
La tension à l’intérieur de sa tête s’accrut. Il avait l’esprit tendu comme une corde de violon serrée à l’extrême. Autour du petit animal, qui demeurait là telle une statue, se mirent à clignoter des éclats de lumière vifs et colorés. Özkan perdit l’équilibre et s’appuya sur le tableau de commandes à côté de lui. De ce tableau émergeait une grande manette. Il se dit intérieurement « N’abaisse pas cette manette, ne l’abaisse pas. » Sa voix, comme si elle traversait un étroit tube en métal, se répercuta en écho dans sa poitrine. S’il l’abaissait, l’eau du barrage se déverserait sur les champs et détruirait les récoltes ; s’il l’abaissait les avions s’écraseraient, les barrières des passages à niveau se lèveraient et les voitures passeraient sous les trains, les portes des cages aux lions se relèveraient, peut-être que la terre se fendrait de toute part et détruirait les ponts et les tunnels. « N’abaisse pas cette manette ! Surtout ne l’abaisse pas ! » S’il abaissait cette manette, le sulfate d’ammonium contenu dans les silos, susceptible de se décomposer brutalement, s’écoulerait sur les bandes de transport et le dioxyde de soufre qui en sortirait, gorgé de poudre toxique, répandrait sur toute la ville une fumée puante. Elle la couvrirait. La couvrirait de jaune. (Episode nocturne)
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